Le crime était presque parfait
Chaque matin, assise à une terrasse de café à Madrid, Maria Dolz, une jeune éditrice, regarde avec admiration un couple assis à une table voisine. Miguel Devern est un quinquagénaire élégant. Avec sa femme Luisa, ils forment un couple resplendissant. Ils rient, sourient, murmurent et affichent leur complicité. Leur seule vision réjouit la narratrice pour la journée. Mais, un matin, Marie lit dans les journaux que Miguel Devern a été assassiné, le jour de ses cinquante ans, par un fou errant. Le couple idéal s’effondre alors du paysage fantasmagorique de Maria. Le poison mortel du désespoir s’infiltre dans les veines de Luisa et Maria cherche alors, parfois malgré elle, à découvrir les dessous de cette histoire.
Une plume précise et drôle
Javier Marias, auteur espagnol né en 1951, livre après sa trilogie « Ton visage demain » qui connut le succès entre 2004 et 2010, son nouveau roman, « Comme les amours ». Sa plume précise, perspicace, drôle et spirituelle décrit la relation de Maria, la narratrice, avec Luisa Devern et Javier Diaz-Varela, le meilleur ami de Miguel.
Après la mort de Miguel, le ton du roman change. Maria Dolz tombe dans les griffes du séduisant Javier Diaz Varela. avant de découvrir la face cachée de son amoureux et les liens diaboliques qu’il entretient avec les autres. « Par moments, je pensais ne pas avoir entendu ce que j’avais entendu, ou bien me revenant l’idée fragile qu’il devait y avoir une erreur, un malentendu, voire une explication acceptable », écrit-elle.
Javier Diaz Varela crée une sorte de monologue avec Maria pendant une grande partie du roman. Il parle comme un acteur de théâtre, avec une certaine pédanterie par de grandes joutes verbales en citant Balzac, Dumas et Shakespeare pour illustrer ses théories. Maria est subjuguée par son élocution et par cette bouche voluptueuse d’où sort toute cette littérature. Plus placide et sans grande envergure romanesque, elle continue à vivre sa vie normalement et à travailler dans l’édition alors qu’elle déteste ce milieu. Elle n’est pas la dernière à critiquer ces écrivains autoritaires et orgueilleux, qui imaginent recevoir le prix Nobel et écrivent déjà leur discours de remise du prix à Stockholm. Ce qui n’est pas dénué de drôlerie, sachant que Javier Marias lui-même figure souvent sur la liste des prétendants.
Après avoir tourné avec délectation les pages du livre de Javier Marias, la substance du roman s’infiltre doucement dans les tréfonds de la conscience en laissant retomber petit à petit une particule de vérité.
GAËTANE DE FRAMOND
Les Échos, 1 octobre, 2013